Rencontre insolite [PV Alvra]

Un éclat se refléta sur ses plumes blanches, parcourut le long de son aile puis disparut derrière son corps.
Krymd volait aussi bas qu'il le pouvait, cherchant des plantes et autres végétaux servant à guérir les malades. Ce n'était certes pas un travail de roi, mais celui-ci n'était pas aussi égocentrique que les autres ; il se souciait de son peuple, comme son peuple se souciait de lui.
Après avoir eu la connaissance de la maladie mortelle qui sévissait chez les Anges, il s'était cantonné à la recherche d'un quelconque remède. Il avait également demandé de l'aide à ses camarades Elfes, mais la messagère qu'il avait envoyée n'était pas encore réapparue.
Krymd passa juste à quelques centimètres au dessus d'elle et faillit ne pas l'entrevoir. La plante qui soulagerait les Anges atteints ! Il n'était pas un herbologiste confirmé mais se doutait que ce végétal pouvait repousser la seconde fatale de la mort.
Krymd revint alors vers l'endroit puis, avec toute la grâce royale et inée qu'il se le permit, atterit discrétement autour des feuillages. Il regarda autour de lui mais ne vit aucune âme vivante, malgré le petit tressaillement presque imperceptible qu'il nota au faîte d'un chêne. N'y prenant guère attention, il se pencha vers la fleur et l'observa avec envie sans pour autant la cueillir. Les reflets bleus et blancs de ses pétales jouaient avec ses yeux et rendaient la vivacité de la plante plus impressionnante.
Posant à son côté son sac en bandoulière, Krymd s'agenouilla puis attrapa sa dague. Une arme toute simple, qui contrastait bien avec son statut de roi. Il ne sut pas vraiment part où couper la tige, mais ne put y réfléchir plus amplement car une forme sombre descendit de l'arbre le plus proche et tomba à côté de lui...

« J’ai vu des plumes blanches dans le ciel ! »

Un aigle était perché sur les branches d’un arbre. Lieu étrange pour un volatile si noble, cependant Alvra aimait se marginaliser, briser les règles et les tabous. Non par provocation, mais plutôt pour se prouver à lui-même que tout est possible.
Les forêts étaient sans conteste les endroits préférés d’Alvra. De plus, grâce à la vision développée de l’oiseau, il pouvait observer toutes les vies nichées dans l’herbe. Il avait d’ailleurs passé la nuit à ça. Pourtant son corps était animé par ses pulsions de prédateur, cette souris là-bas, ne serait-elle pas appétissante ? Mais il avait ignoré ces désirs corporels et c’était concentré sur le formidable spectacle qui s’offrait à lui.
Alors que le soleil était haut dans le ciel, il vit un éclair blanc qui l’aveugla pendant quelques secondes. Il ne vit rien. Mais quelques instants plus tard, un homme ailé se posa sur le sol, près d’une plante que le jeune aigle avait observé une bonne partie de la nuit.
Il ignorait tout des anges mais il savait au moins en reconnaître un quand il en voyait. Depuis tout petit, il avait éprouvé une fascination pour ces créatures, et pourtant, maintenant qu’il avait la capacité de se doter de leurs attributs, il n’avait jamais osé pendre leur apparence.
Il fut soudain tiré de ses pensées, le corps qui était le sien avait sauté au sol. L’aigle était irrémédiablement attiré par l’homme ailé et Alvra se laissa porter par cette envie. Il sautilla jusqu’au pied de l’ange.

Krymd fut tout d'abord surpris à l'approche du grand rapace. Il se leva alors et esquissa un signe de recul, lorsqu'il se rendit compte de l'absurdité de la chose. Il revint alors s'accroupir près de l'aigle et, d'un geste timide, approcha sa main près de son bec. Un éclat dans l'oeil de l'animal la lui fit ramener vers lui, puis il se mit à secouer la tête. Il devait certainement vouloir quelque chose à grignoter ! Après tout, un aigle ne devait pas avoir à venir sans raison...
Le roi fit attention à ce qu'il n'écrase pas la fleur bleue, puis il sourit inutilement à l'animal ; comme s'il pouvait comprendre quelques choses aux expressions humaines ! Malgré tout, une lueur de sagesse dans le regard de l'aigle lui interdit toute poursuite de sa réflexion, et il continua à lui sourire.
Krymd rangea furtivement sa dague, pour ne pas attirer l'attention de l'oiseau.
Il ne sut pas vraiment pourquoi, mais un soudain élan de solitude lui fit prendre la parole :

— Qui es-tu, toi ? Tu es magnifique, finit-il par dire en observant ses plumes.

Il ne put réprimer l'envie de lui caresser la tête, et tendit derechef ses doigts vers lui...

Alvra ne s’était pas trompé, l’ange était un être de bonté. Il ne lui fit aucun mal, il le flatta même, ce qui fit lui fit très plaisir. Certes, la fierté de soi était un sentiment purement humain mais Alvra aimait s’y adonner, quelques fois. Le jeune être ailé lui souriait, l’aigle lui aurait bien rendu son sourire mais c’était anatomiquement impossible. Alors que Alvra admirait l’ange, celui-ci tendit les mains vers lui, à priori pour le toucher. L’oiseau ne refusa pas la caresse, ils étaient presque cousins au fond, même si l’aigle ne possédait pas l’intelligence et la sagesse de l’ange, enfin à priori.
Alvra était loin d’être un modèle de sagesse, il n’était pas un génie non plus mais il pouvait tout de même se considérer comme la plus compréhensive des créatures. Seulement, avant de voir le volatile, l’ange était concentré sur une fleur bleue, qu’il avait pris soin de ne pas abimer. Alvra se concentra dessus, il ignorait les propriétés de la plante, mais elle semblait tout de même interesser le roi ailé.
Il quitta la main caressante de son bienfaiteur et s’approcha de la fleur. C’était un très beau spécimen sans nul doute mais pourquoi un ange était descendu de ses cieux célestes pour rechercher une si petite fleur. Il interrogea le souverain du regard.

L'Ange s'attarda quelques secondes à caresser l'oiseau. La constitution de son duvet lui remémora quelques souvenirs, et il se perdit dans la contemplation des couleurs variées de ses ailes. Puis, alors qu'il fermait les yeux, le rapace se mouva jusqu'à la fleur et sembla s'y intéresser.

— Oh, tu vois, cette plante est assez rare et très fragile. Si on coupe la tige trop en bas, les bienfaits de son jus ne se feront pas ressentir, et si l'on coupe trop en haut, elle se fanera instantanément... Etrange, n'est-ce pas ?

Il avait l'habitude de parler tout seul, et il se réjouit à l'idée qu'un autre être à plumes l'entende. Il n'était pas vraiment sûr qu'il le comprenait, mais de petits signes étrangers au comportement d'un aigle lui fit sentir qu'il était plus intelligent qu'il n'y paraissait.
S'approchant de la fleur bleue, il ressortit doucement sa dague, pour ne pas effrayer l'animal, et l'interrogea :

— A ton avis, je la pratique à quel endroit, l'entaille ?

Krymd se posait plus la question à lui-même qu'à l'aigle, mais l'expression de son souci à haute voix ne le rendit pas moins difficile à dire. Il pencha donc la tête pour que son oeil gauche soit à hauteur de la tige et chercha la moindre encoche qui puisse lui servir comme repère. Mais rien était visible, pas même une dégradation légère...

L’ange parla plus à lui-même plus qu’a Alvra. D’ailleurs l’oiseau aurait été incapable de lui répondre, premièrement son bec ne lui permettait pas de parler, de plus il ignorait totalement comment couper une telle plante. Mais il fallait bien avouer que cette fleur était un incroyable trésor naturel. L’aigle aurait bien aidé le roi ange mais même avec sa vue perçante il ne voyait rien. Cependant, une idée commençait à germer dans son esprit. L’oiseau se mit à dévisager l’ange, de haut en bas, enregistrant chaque détail de son visage, de ses habits, son attitude. Il tourna même autour de l’homme ailé pour l’observer sous toutes les coutures. Ce n’était pas une attitude normale pour un aigle, mais il était un oiseau parmi tant d’autres, il n’était pas inquiet. Avec un peu de chance, le royaume des anges lui serait ouvert…

Krymd était trop occupé à observer la fleur et il ne remarqua pas que l'oiseau sautillait autour de lui. Lorsqu'il releva la tête vers l'emplacement où il avait laissé l'aigle, il haussa le sourcil et se releva promptement, cherchant son compagnon des yeux. Il le trouva derrière lui, consacré à une analyse minutieuse de son corps. Les yeux obstervateurs de l'aigle se promenaient partout, allant de l'arrête de son nez au bout de sa cape.
Krymd fut quelque peu déconcerté par ce comportement inhabituel chez cet animal, et fut empli d'un sentiment d'incertitude. Depuis le début de sa rencontre avec l'aigle, celui-ci n'avait pas arrêté d'adopter d'étranges attitudes et l'Ange commençait à se douter que cet aigle soit sauvage. Il devait certainement avoir un maître, ou du moins avait du en avoir un car il se montrait d'une grand érudition...
Krymd s'accroupit derechef et, après avoir longuement choisi l'endroit où il allait l'entailler, commença à planter sa lame dans la fine tige qui se sépara en deux. Le roi poussa un long cri jouissif. La coupe avait parfaitement était établie, le jus de la plante étant encore dans la queue, retenu par une fine pélicule de tissu qui constitué la tige. Un sourire éclaira son visage qui n'avait alors connu depuis quelques jours que l'incertitude et l'insatisfaction. Il se tourna alors vers l'aigle en brandissant la fleur bleue :

— Tu as vu ! J'ai réussi ! s'exclama-t-il en souriant de plus belle.

Krymd tâcha de ne pas faire souffrir la plante encore plus longtemps et il l'enferma dans une boîte de métal qu'il venait de sortir de sa besace.
Certaines vies allaient pouvoir être sauvées !

» Alvra Malrouth
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